Pauvreté, restitution d'une enquête "chirurgicale" au Pays de Mormal
13 août 2024 à 7h00 par Delphine Hernu
La pauvreté et la ruralité, « une zone noire où les politiques ne vont pas beaucoup », c’est le constat de la Commissaire à la lutte contre la pauvreté des Hauts-de-France, Sylvie Charrière qui participait à la restitution d’une grande enquête sur la pauvreté au Pays de Mormal, le 17 juillet dernier à La Fabrique de Mormal à Wargnies-Le-Grand. Une restitution ouverte au public, venu nombreux et dans une ambiance volontairement festive et participative.
Une enquête autour d’un café
6 mois d’études pour comprendre les besoins sociaux du territoire, comprendre comment apparaissent les phénomènes de pauvreté et pourquoi ils durent ? Un diagnostic territorial « sans complaisance qui nous ouvre des portes, qui ne reste pas une photographie mais qui fasse vivre le territoire, qui puisse le mettre en mouvement », explique Thierry Cardinal de la société lilloise Exaeco en charge de l’enquête, à la demande de la Communauté de Communes du Pays de Mormal. Objectif : définir une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté sur le territoire.
Une enquête autour d’un café pour recueillir « le vécu », « l’expérience » de « ceux qui vivent la pauvreté, cachés, ceux qui ne se manifestent pas », explique l’initiateur du projet, Yohan Lecerf, vice-président à la CCPM. C’est une soixantaine d’habitants en situation de précarité et de structures d’accompagnement du Pays de Mormal, rencontrée, pour aller au-delà des chiffres.
Une enquête « pour mettre les choses à plat »
Que retenir de cette étude inédite ?
- Le taux de pauvreté est de 14 % au Pays de Mormal (19 % dans le Nord), 26 % de la population sont des personnes seules, 28 % sont des couples sans enfant.
- Habitat: 25 % des logements ont été construits avant 1919 (7 % dans le Nord) avec des problématiques de chauffage, de taille. « Il y a une différence entre ce qui est disponible sur le territoire et les réels besoins des foyers », constate le cabinet d’études.
- Mobilités: 87 % des habitants en âge de conduire, ont une voiture, les transports en commun sont assez peu alimentés sur le territoire
- Emploi: 83 % des actifs travaillent dans une autre commune que la commune de résidence ; « si on augmente les capacités de mobilité, on augmente les capacités de l’emploi, explique Exaeco.
Déficit d’emplois : 3 500 personnes entrent dans le territoire pour travailler quand 12 600 en sortent pour travailler. La capacité de la CCPM à fournir du travail est de 53 %. « Pour 100 personnes en âge de travailler, le territoire est capable de faire travailler 53 personnes, même chose pour l’Avesnois, le Solesmois. Les travailleurs se dirigent vers le Maubeugeois et le Valenciennois ». « On ne peut pas traiter de la pauvreté que par la seule question des revenus », selon Exeaco
Précarité de l’emploi : sur 2 400 embauches au Pays de Mormal, 66 % sont des CDD de moins d’un mois. « L’accès à l’emploi, ce n’est pas suffisant. C’est l’accès à l’emploi durable », conclut Exaeco.
- Santé : Pas de désert médical au Pays de Mormal, pourtant en milieu rural, c’est la surprise de cette étude. « La densité de médecins est plutôt élevée sur le territoire et 2/3 des médecins ont moins de 55 ans ». Problème ? Ces médecins prennent en charge les habitants du Pays de Mormal mais aussi les patients sans médecin traitant, des territoires limitrophes qui sont en désertification médicale comme le Val de Sambre », explique le cabinet d’études. Il manque néanmoins de pharmaciens, d’infirmiers, de kinésithérapeutes.
Au-delà des chiffres, de grands défis
Au-delà des chiffres, le constat est simple, la pauvreté est transversale. La CCPM se donne plusieurs défis à relever et fait appel à l’intelligence collective. Par quoi commencer ?
« Lutter contre la pauvreté, c’est un chemin, il n’y a pas de baguette magique, il faut y aller collectivement », selon Jean-Pierre Mazingue, le président de la CCPM.
« Le Pays de Mormal est un territoire magnifique et au-delà de ses paysages, il a deux ressources : la solidarité et la coopération », note Thierry Cardinal, le gérant de la société Exaeco.
La première action consiste à cartographier les ressources locales, « on a déjà plein de choses mais il y a une méconnaissance des publics »
« Mettre les énergies en commun pour que la feuille de route soit collective et massive »
Le mal logement et la lutte contre le logement indigne, un sujet qui sera traité prioritairement avec « une approche différente » : dès septembre, une première réunion sera organisée avec les bailleurs sociaux mais aussi les propriétaires bailleurs, propriétaires occupants, CAF, Etat, ADEME, pour aider à la rénovation énergétique, accompagner la réhabilitation et l’accès au logement.
Habitat, emploi, mobilités, santé, jeunesse, doivent donner lieu à des actions de cohérence à l’intérieur du territoire du Pays de Mormal mais aussi en dehors. Il n’y a pas de schéma global de la mobilité, constate Jean-Pierre Mazingue mais les 4 EPCI de l’Arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe et le Syndicat de Transport Autonomie mèneront une étude sur l’évolution des besoins, elle sera lancée à la rentrée, en septembre prochain, pour créer à terme, une cohérence de territoires (à l’échelle des 4 EPCI) sur la mobilité.
Ecoutez les interviews de Thierry Cardinal du cabinet Exaeco, Jean-Pierre Mazingue, président de la Communauté de Communes du Pays de Mormal et de Yohan Lecerf, son vice-président :
Des actions de coopération et des soutiens ?
Les élus communautaires du Pays de Mormal militent pour que les actions menées dans le cadre de l’élaboration de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, soient financées par le Pacte 3 de Réussite Sambre Avesnois Thiérache.
« Ensemble, on va toujours plus loin, moins vite mais plus loin. Ce que vous avez fait, c’est exceptionnel […] On va trouver les moyens pour vous aider », a déclaré, à l’issue de la restitution, la sous-préfète de l’Arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe, Hélène Demolombe-Tobie.